Préoccupée par la situation sécuritaire dégradante dans la région Manguredjipa, la Structure Communautaire Femmes Juristes pour les Droits de la Femme et de l’enfant « FJDF » de Njiapanda/Manguredjipa, lance une alerte sur les exactions commises dans cette partie Nord-ouest du Territoire de Lubero « Manguredjipa » par les présumés ADF et les groupes armés actifs dans ladite région ; une dégradation inouïe de la situation humanitaire depuis juin dernier.
En effet, les violations graves se sont intensifiées ce dernier temps pendant que l’on approchait l’unique période annuelle de récolte du riz et celle de la grande saison de production de cacao. La région est majoritairement une forêt primaire avec des ilots de villages dont les résidents sont des descendants des anciens ouvriers des sociétés minières belges, des creuseurs artisanaux dont parmi eux des personnes recherchées par la justice et celle qui ne sait plus s’adapter à la vie dans leurs milieux d’origine, y trouvant un asile. Bien que quelques agglomérations restent sous l’autorité de l’Etat néanmoins, une grande partie est sous la loi de la jungle.
L’Est de la RDC étant ravagé par les conflits armés, la contrée de Manguredjipa est quant à elle parsemée des groupes armés qui s’affrontent entre eux et qui commettent des violations contre les populations civiles. Les principaux groupes armés actifs dans cette partie du territoire de Lubero sont : UPLC, UPLD, FPP- AP, NDC-R, Simba (MORGAN) et UDCO.
Les violations des droits humains enregistrées dans la zone sont entre autre: des tueries, des enlèvements, des violences sexuelles et celles basées sur le genre, des incendies et destruction des structures sociaux de base, des pillages des biens suivi des incendies des maisons d’habitation. Un mouvement des populations, même autochtones pygmées, vers les zones supposées sécurisées.
Les massacres et mutilations des civils se sont intensifiés ces dernières semaines. A l’intervalle de 13 jours (du 21/12/2024 au à 03/01/2025, on a comptabilisé plus de 177 civils sauvagement tués. Les corps, dont certains mutilés, gisaient au sol du lieu du drame. A côté de ces statistiques énoncées ci-haut, il y a un nombre inimaginable des otages dont la survie est incertaine. Il s’agit des villages suivants :
2. Attaques contre les structures sociales de base :
Ces actes constitutifs de violation grave des droits de l’enfant, seraient orchestrés par les présumés ADF. Le centre de santé Masingi, en zone de santé Biena, a été pillé puis incendié et le centre de santé Somea de la même zone de santé, systématiquement pillé. En zone de santé Manguredjipa, le centre de santé Akwele a aussi été vandalisé et systématiquement pillé. Aujourd’hui, plus de la moitié des formations sanitaires de ces deux zones de santé ont suspendu leurs services et les quelques formations opérationnelles accusent une rupture en intrants dont le kit PEP pour les victimes du viol et d’autres médicaments et matériel de première nécessité ; d’où la difficulté de prendre en charge les malades et un risque imminent d’éruption d’une épidémie et des conséquences physiques des violences sexuelles. Déjà, il s’observe des décès communautaires d’une fréquence allant de 9 à 15 personnes par jour.
A part les cas isolés et ceux documentés les mois passés, deux autres enfants ont été violés par les porteurs d’arme dont 1 à Liboyo, par un militaire portant les insignes des FARDC et un autre à Byambwe, par un élément assimilé à ceux du groupe armé UPLC. Ce dernier cas est masculin dont la pénétration s’est faite à l’anus.
Nous avons aussi documenté 7 cas de viol des femmes dont les présumés auteurs se sont fait passer pour ADF ou éléments d’un autre groupe armé parmi ceux qui sont actifs dans la région pour menacer ou terroriser les victimes et ainsi accomplir leur sale besogne.
Au mépris des textes régissant les droits de l’enfant et le droit international humanitaire, les groupes armés prennent les enfants pour une cible privilégiée ; profitant du fait qu’ils sont considérés comme faciles à manipuler, qu’ils ne sont pas conscients des dangers qui les guettent et qu’ils n’ont pas encore une notion du bien et du mal. Ils sont utilisés comme combattants armés pour massacrer, violer, piller; comme espions, cuisiniers, porteurs de butin et des effets militaires ou encore comme esclaves sexuels. Lors des incursions des présumés ADF, les enfants et les femmes sont organisés en équipe d’avance à ces égorgeurs et leur servent d’appas pour capturer leurs cibles. Il en est de même pour les autres groupes armés présents dans la région qui recrutent les mineurs dans leurs rangs et si leurs parents s’y opposent, ces derniers sont soumis à une caution pour que les enfants soient localement démobilisés.
Plusieurs cas ont été enregistrés dont les 2 récents :
Le déplacement dans cette contrée est devenu comme une vie normale nuits et jours ; 43 921 ménages se déplacent à pieds d’une agglomération à une autre à des différentes vagues selon le mouvement des égorgeurs ou des exactions des autres groupes armés. Ces déplacés internes transportent à dos d’homme des bagages (vivres, habits et literie), des enfants, des vieillards ainsi que des personnes en mobilité réduite; sur des chemins délabrés aux grandes rivières sans pont avec tous les risques de noyade sans oublier les conditions météorologiques caractérisées par des pluies diluviennes accompagnées des ouragans et des tonnerres. Actuellement, ces déplacés internes sont concentrés à Manguredjipa (chef-lieu du secteur des Bapère), à Njiapanda, à Byambwe et à Kambau. Ils vivent une précarité sans nom. Pire encore pour les autochtones pygmées dont la vie ne dépend que de la forêt, vivent comme des condamnés car ne s’adaptant pas à la vie en dehors de leur milieu naturel.
Leur besoins les plus urgents sont :
En plus de ce qui est décrit ci haut, les conséquences qui résultent de cette hémorragie sécuritaire sont nombreuses :
Abandon scolaire : Les enfants sont obligés d’abandonner les études soit à causes des déplacements à répétition, soit à cause de la pauvreté imposée aux parents. Plusieurs école de la sous-division de l’Education Nationale et Nouvelle Citoyenneté « EDN-NC » n’ont jusque-là pas connu de rentrée scolaire et les quelques écoles opérationnelles, connaissent des interruptions intempestives
Certains enfants sont obligés de fréquenter les sites miniers et intégrer les groupes armés. Les filles quant à elles, s’en donnent à la prostitution et aux mariages précoces avec toutes les conséquences y afférentes. Au regard de ce qui précède, nous recommandons :
. Aux belligérants au respect des lois qui protègent les droits des personnes humaines.
. Au gouvernement Congolais, le rétablissement de la paix et la restauration de l’autorité de l’Etat afin d’exercer des programmes de développement post conflit centrés sur les victimes en tenant compte du genre ; il doit aussi assister les déplacés.
Fait à Njiapanda, le 13/01/2025
Pour la structure FJDF Njiapanda, MUMBERE KAYITSUPA Jerlasse Para-juriste