RESOLUTION 1325 DES NATIONS UNIES, FEMME, PAIX ET SECURITE : UN REVE LOIN D’ETRE REALISE  EN PROVINCE DU NORD-KIVU /RDC

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Depuis bientôt 3 décennies, la population de la province du Nord-Kivu en République Démocratique du Congo est confrontée à la guerre,  une série des conflits armés opposant les groupes armés nationaux et étrangers et forces armées  de la République Démocratique du Congo, FARDC.

Dès 1996, ces conflits se sont présentés sous différentes formes avec des idéologies et alliances changeantes : guerre de libération, guerre d’agression, etc… avec AFDL, RCD, CNDP, M23. Ces guerres ont eu des répercutions négatives sur la vie de la population ; des mouvements qualifiés des nationalistes se sont formés  pour d’une part résister à la présence des troupes étrangères en défendant l’intégrité du territoire national et de l’autre, s’opposer à la mauvaise gouvernance des dirigeants.

Cette situation affreuse a engendré des conséquences incalculables portant ainsi atteinte à des milliers des vies humaines et à la violation massive des droits économiques, politiques, culturels, environnementaux ; particulièrement les femmes et les enfants en première ligne des victimes. Ces  violations se sont concrétisées par  plusieurs exactions : assassinats, violences sexuelles, incendie des maisons, pillages des ressources naturelles, les enlèvements, l’enrôlement des enfants dans les groupes armés,  le pire de tout ce sont les massacres  en cascade perpétrés depuis 2014 en territoire de Beni  par les faux ou vrais ADF.

Déplacement massif des femmes et enfants en territoires de Rutshuru et Masisi.

Notons que plusieurs mécanismes ont été instaurés pour tenter de mettre fin  à ces conflits pour l’avènement d’une paix durable : dialogues, opérations sokola, umoja wetu et aujourd’hui l’Etat de siège a été déclaré mais une solution durable n’est jusque là pas trouvée.

Peu avant, le Nord-Kivu  s’est engagé dans le processus de la consolidation de la paix, la sécurité participative et inclusive en marquant son adhésion au Plan National de l’application de la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur « les femmes, la paix et la sécurité  dit PAN  1325 de 2010.

Les violences sexuelles étant une des caractéristiques du conflit en RDC, au Nord-Kivu et en Ituri particulièrement dont les personnes responsables sont principalement des hommes en armes, notamment les groupes armés étrangers et nationaux ainsi que les éléments incontrôlés ou indisciplinés des Forces Armées de la République Démocratique du Congo FARDC, même certains membres de la communauté qui doivent être sanctionnés. Le gouvernement congolais a en 2009 élaboré une stratégie nationale pour la lutte contre les violences sexuelles pour protéger les femmes et les filles.

Mais en dépit de tous ces mécanismes, les femmes ne sont encore suffisamment protéger en période des conflits armés.

En Province comme ailleurs, parler de la recherche de la paix semble ne pas être l’apanage des femmes, car dans tous les processus elles n’apparaissent presque pas ; or les femmes sont également des agents actifs de la paix dans les conflits armés pourtant leur rôle d’actrices clés et d’agents en matière de paix n’a bien souvent pas été reconnu. L’implication des femmes dans le processus de paix accroît sensiblement les chances d’instaurer une paix durable.

I. De l’adoption de la Résolution 1325 des Nations Unies

Vue l’ampleur des atrocités des conflits armés dont les femmes et jeunes filles étaient victimes des diverses manières, les organisations non gouvernementales de défense des droits de la femme partout dans le monde avaient plaidé en faveur de l’adoption d’une Résolution impliquant la femme dans le processus de paix et sécurité. 

C’est ainsi que le 31 Octobre 2000, le Conseil de Sécurité des Nations-Unies a adopté la Résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité. Cette résolution affirme l’importance du rôle des femmes dans la prévention et la Résolution des conflits, lors des négociations de paix, dans la construction de la paix, dans la préservation de la paix lors de réponse humanitaire et dans la reconstruction après les conflits. Elle souligne l’importance de leur égale participation et de leur entière implication dans tous les efforts pour maintenir et promouvoir la paix et la sécurité. Cette résolution est la toute première à parler de la femme et de la paix.   

Reconnaissant la femme à la fois comme victime des violences particulières pendant les conflits armés et comme actrice dans la prévention et la résolution des conflits, cette Résolution est résumée en 4 piliers suivants :

  • La prévention : Elle consiste à l’intégration de la dimension de genre et participation des femmes à la prévention de l’émergence, de la propagation et de la résurgence des conflits violents ainsi qu’à l’action de leurs causes profondes, notamment par le désarmement. Il s’agit de briser le continuum de la violence et d’adopter, à l’échelle nationale comme internationale, une approche globale de la paix fondée sur l’égalité, sur les droits de l’homme et sur la sécurité humaine pour tous y compris les personnes les plus marginalisées. Une dimension importante de la prévention concerne la lutte contre l’impunité des violences contre les femmes, utilisation des moyens pacifiques pour la transformation des conflits, promotion des droits de la femme et de la jeune fille et de leurs besoins spécifiques pendant le processus de rapatriement, réintégration et reconstruction de la paix.
  • La participation et représentativité : Elle implique la participation et représentation pleines et entières des femmes, sur un pied d’égalité à tous les niveaux de prise de décisions, y compris dans le cadre des pourparlers et négociations de paix, au sein de processus électoraux (tant comme candidates que comme électrices), dans l’exercice de fonctions dans leurs Etats. Le droit des femmes à la prise de décisions est un objectif qu’il faut envisager aussi bien horizontalement que verticalement. Bien souvent, on a tendance à évaluer le positionnement des femmes à partir des seuls postes de visibilité politique. Il revient de droit aux femmes de participer à la conception et à la gestion des projets de développement local, aux initiatives formelles de paix et de réconciliation et autres structures de gouvernance locale.  En plus de cibler la participation des femmes dans les initiatives et les structures de grande visibilité politique telle que les négociations et accords de paix, les opérations de maintien de la paix, les structures de pouvoir mises en place dans le cadre de la transition post conflit, les institutions de l’Etat de droit et de gouvernance démocratique etc., les gouvernements devraient accroitre l’accès des femmes aux structures de pouvoir local.

Enfin, la participation et la représentation devraient être garanties à travers les programmes humanitaires, les négociations et les accords de paix, les opérations de paix, le processus électoral, les structures  de pouvoir mises en place dans le cadre de la transition post conflit, les institutions de l’état de droit et de gouvernance démocratique et les programmes de réintégration et de reconstruction.

  • La protection : c’est la protection spécifique des droits des femmes et des filles et prise en considération de leurs besoins particuliers en période de conflit et d’après conflit, y compris par signalement des actes de violence sexuelle et sexiste et par l’engagement de poursuites à l’encontre des auteurs de tels actes, mise en œuvre au niveau national, des lois et conventions régionales et internationales en vigueur. La protection juridique devrait garantir les droits sociopolitiques de la femme, notamment le droit à la participation et à la représentation, assistance aux femmes pendant et après les conflits, le respect du droit humanitaire avec meilleure protection des femmes et de jeunes filles contre l’impunité pour la promotion de la justice en faveur des femmes et des jeunes filles victimes des conflits, mesures affirmatives pour prévenir les abus des droits des femmes pendant les conflits.
  • Le secours et le redressement : il s’agit de l’accès à des services de santé et à un soutien post traumatique notamment pour celles qui survivent à des violences sexuelles ou sexistes ; l’autonomisation est sous entendue.

Notons que le pilier consacré à la participation et à la représentation présente les femmes comme des agents, des acteurs à part entière dans le domaine de la paix et de la sécurité, et souligne qu’il importe « qu’elles participent sur un pied d’égalité à tous les efforts visant à maintenir et à promouvoir la paix et la sécurité et qu’elles  y soient  pleinement associées ». 

Objectifs de la Résolution 1325

Cette Résolution poursuit entre les autres objectifs ci-après :

  • Améliorer le statut des femmes dans le processus de conflit et de post conflit ;
  • Amener les Etats membres à tenir compte de la perspective de genre et des besoins spécifiques des femmes et des petites filles à tous les niveaux du traitement des conflits  et de la consolidation de la paix ;
  • Le respect des droits humains et des libertés des femmes ;
  • La réalisation de l’égalité juridique  et de chance entre les femmes et les hommes ;
  • Amener toutes les missions de l’ONU et les Etats membres à intégrer le genre et les questions de l’équité de sexe.

 Notre réflexion s’attèlera surtout sur le niveau de protection de la femme et la fille durant les conflits en province du Nord-Kivu au regard de la Résolution  1325.

II.  La République Démocratique du Congo et la Résolution 1325

En 2010, la République Démocratique du Congo a signé et ratifié la Résolution 1325 du conseil de sécurité  des Nations-Unies sur le rôle crucial des femmes dans la prévention et la Résolution de conflits et la consolidation de la paix. 

Selon la résolution 1325, les femmes doivent participer sur un pied d’égalité avec les hommes à tous les efforts visant à maintenir et à promouvoir la paix et la sécurité.

Le gouvernement a ensuite élaboré un plan d’action, qui devait être mis sur pieds par un comité de pilotage national, ayant pour mission l’orientation politique, la conception, la planification, le contrôle et le suivi de tout le processus national ainsi que des comités de pilotage au niveau des provinces. Mais la plupart de ces structures fonctionnent difficilement suite au peu d’engagement politique qui se manifeste lors de l’affectation des ressources dans le budget de l’Etat rendant ainsi la Résolution 1325 presque lettre morte.

Parmi les objectifs du plan d’Action  National de la République Démocratique du Congo, on peut citer le renforcement de la vulgarisation sur la lutte contre les violations des droits fondamentaux des femmes et des petites filles pendant et après les conflits armés, ainsi que le renforcement de la lutte contre l’impunité dont jouissent les auteurs de crimes de tout genre ; la garantie de la sécurité et la protection des femmes et veiller au respect du droit international relatif à la répression des violences sexuelles qui constituent  l’une  des priorités  du gouvernement de la République Démocratique du Congo.

D’où, il sied de donner la situation réelle de la femme en République Démocratique du Congo, particulièrement au Nord-Kivu, en application de la Résolution 1325.

III. De la réalité de la situation des femmes et filles du Nord-Kivu pendant les conflits

Bien que les conséquences des conflits armés affectent les communautés dans leur ensemble, plus  particulièrement les femmes et les filles sont plus affectées du fait de leur statut social et de leur sexe.   

La non prise en compte des besoins spécifiques des femmes et jeunes filles pendant cette période de conflit armé en Province du Nord-Kivu, a exposées encore cette catégorie aux violences en exploitant leurs vulnérabilités. 

Il est vrai que les hommes et les femmes ont des droits égaux en période de guerre, mais pour assurer aux femmes la jouissance équivalente à celle des hommes, il faut leur accorder une protection spéciale, tenant compte de leurs spécificités physiologiques et psychologiques, de leur vulnérabilité accrue dans certaines circonstances, de leurs besoins, etc.

Dans le droit international humanitaire, il existe un devoir de différenciation, d’où il incombe aux Etats parties aux conventions de Genève et à tous les combattants d’accorder aux femmes le respect qui leur est dû.  Ce principe, dans notre Province  du Nord-Kivu est resté théorique, la femme et la jeune fille ont été ciblées dans le conflit, traitée comme arme de guerre pour affaiblir l’adversaire, les viols sont perpétrés sur les femmes et jeunes filles, elles sont privées des services des bases, elles n’accèdent presque pas aux soins de santé primaire et à la maternité, à l’alimentation car leurs champs, leurs habitations ont été transformés en camps et occupés par les belligérants, des propagandes hostiles à l’aide humanitaires sont véhiculées au sein de la communauté suivies des détournements qui rendent l’accès difficile, etc.

a) Les assassinats et enlèvements

Les femmes pourraient être protégées, de manière générale en tant que femmes,  contre toute atteinte à leur intégrité physique et à leur dignité pendant la guerre. Malheureusement tel n’est pas le cas, les femmes au fait, subissent des tortures, des enlèvements ou kidnapping de la part des belligérants avec comme objectif soit esclavage sexuel ou mariage forcé au bénéficie des seigneurs des guerres et combattants en usage de l’influence ou des armes qui leurs facilitent la commission des crimes, soit des assassinats en brousse suite à une moindre résistance. Si les unes sont enlevées dans leurs maisons après avoir abattu les membres de leurs familles, les autres les sont ou l’ont été sur le chemin de déplacement ou en revenant de leurs activités journalières principalement champêtres ou à la recherche du bois de chauffage ou encore d’eau potable. Elles sont  détenues dans des conditions inhumaines et dégradantes comme esclaves dans les zones surtout contrôlées par les rebelles ADF, M23 selon les témoignages des rescapées, celles qui ont su être libérées par les forces armées de la République Démocratique du Congo, FARDC ou qui se sont échappées des mains des ravisseurs.

Les femmes, les jeunes filles et enfants libérés des mains des ADF à KUDUKU et ELAKE

Par ailleurs, plusieurs cas d’assassinat des femmes ont été commis quelque soit leur statut, les femmes enceintes, les femmes allaitantes jusqu’au point de laisser les nourrissons  aux cotés des dépouilles de leurs mères, les femmes vivant avec handicap,…celles-ci ont été crapuleusement abattues  en armes blanches ou armes à feu, calcinées sans aucune pitié sans oublier celles qui ont récemment été victimes des engins explosifs piégés par l’ennemi à Beni, Rutshuru et Masisi. Le  malheur ne venant pas seul comme le dit un adage, plusieurs femmes ont été parmi les victimes du bombardement du camp des déplacés Lushagala du quartier  Mugunga  à Goma en date du 3 Mai 2024  sous l’œil impuissant des autorités de l’état de siège.

Quelques femmes et enfants victimes ainsi qu’une survivante du bombardement du camp LUSHAGALA du Quartier MUGUNGA

Citons aussi les cas les plus récents sont ceux de Mangodomu  non loin de la commune rurale de Mangina au début du mois d’Avril en territoire de Beni et ceux du 10  Avril à Kasanga TUHA en ville de Beni, BURUTSU et de SAYO du 12 Avril 2024 ou une dizaine des femmes qui revenaient des champs avaient été abattues par les ADF en pleine journée.  

Les victimes des massacres de Mangodomu/Beni  dont un corps décapité

Les victimes des massacres de Burutsu -Sayo  à Beni

Ces événements affreux plongent la population dans la peur au risque de la famine dans la région  étant donné que les femmes sont les plus actives aux activités champêtres dont les produits alimentent les villes de Beni, Butembo et environs, les Zones administrés par le gouvernement. Ce genre des crimes sont aussi enregistrés par les hommes en arme surtout lorsque les positions militaires sont installées dans une zone. Aussi les populations civiles devant l’autorité par les attaques des groupes armés, certaines personnes ne se gênent pas  à imposer leurs pouvoirs pour discriminer la femme et la jeune fille jadis considérées comme incapables de bénéficier de même droits que son homologue homme.

b) Les viols et autres violences sexuelles

Alors que la Résolution 1325 des nations unies accorde une attention accrue à la prévention des violences sexuelles à l’égard des femmes et filles pendant les conflits armés, et au Droit international humanitaire d’ajouter «  toutes  les femmes sont protégées contre toute atteinte à l’honneur, notamment le viol, la prostitution forcée et tout attentat à la pudeur » tel n’est pas le cas pour les femmes et filles du Nord- Kivu  déplacées ou non, ce malgré la répression des infractions des violences sexuelles en droit pénal interne depuis 2006.

Les violences sexuelles à grande échelle sont massivement utilisées comme arme de guerre et de déstabilisation communautaire. Selon ONU FEMMES, les violences sexuelles pendant la guerre à l’Est de la République Démocratique du Congo touchent 18 à 40 % (pour cent) des femmes et filles.

Encore que dans le Plan d’Actions des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) pour la lutte contre les violences sexuelles, les responsables de l’armée ont pris l’engagement de prendre des mesures fermes pour combattre les violences sexuelles en période de conflit, celles-ci continuent à prendre une ampleur supérieure.

Partant des témoignages, des rapports et des informations recueillis auprès des diverses sources, les femmes et filles ont été ou sont victimes des viols et d’autres formes des violences sexuelles dont seraient auteurs les assaillants ADF, M23, des militaires, FARDC incontrôlés,   etc. Plusieurs cas de viols se passent durant le déplacement et dans les milieux d’accueil. Notons que plusieurs femmes ont été enlevées par les assaillants en cours de déplacement dans certains milieux  et ont été rendues esclaves sexuels. Si les unes ont été relâchées après ces actes de viol souvent massifs, d’autres ont été tuées, d’autres encore restent jusqu’aujourd’hui esclaves sexuels. Certaines femmes déclarent avoir été violées par les hommes en armes, en uniformes similaires à celles des FARDC. Dans tous les cas, sans aucune assistance médicale qui dans la plupart des cas étant devenues cibles des assaillants pour le ravitaillement de leur base en produit pharmaceutiques  (maladies sexuellement transmissibles, blessures, grossesses non désirées); certaines structures sanitaires ont accueilli des cas au-delà du délai requis, la distance à parcourir étant longue.

Selon Amnesty International, plusieurs femmes, au moins 70 femmes ont été violées  par les rebelles du M23 en territoire de Rutshuru surtout à Kibirizi, le cas le plus fréquent et touchant est celui  du 10 avril 2024 où « une femme âgée d’une trentaine d’année a été victime de cette barbarie : en effet selon la société civile, 3 éléments de la rébellion M23 ont fait incursion chez la victime et l’ont tous violé puis ont tiré une balle dans son organe génital et en est morte ». D’autres femmes ont aussi été victimes dans leurs champs ou en allant au marché.

Dans les familles d’accueil, comme dans les camps des déplacés, les femmes et filles sont violées suite à la promiscuité des hommes, femmes, enfants comprimés dans des mêmes cellules ou encore par les membres des familles d’accueil. Parfois ces cas sont trop souvent passés sous silence, ne sont pas dénoncés ni par les victimes ni par leurs proches craignant pour leur sécurité, même celles qui se sont dirigées vers les structures de prise en charge médicale n’ont pas voulu que les faits soient dénoncés. Ces faits pourtant qualifiés  de crime contre l’humanité lorsqu’ils sont commis en période de guerre, reste pourtant impunis, les auteurs se promenant en hommes libres.

c) Précarité des conditions humanitaires  des femmes

Fuyant les atrocités, la population civile en territoire de Beni, comme de Rutshuru et Masisi est contrainte de se déplacer. Si les uns sont accueillis dans les familles, d’autres vivent dans des sites ou camps des déplacés, d’autres encore à la belle étoile.

Selon le rapport de la coordination humanitaire UNOCHA, depuis le début de l’année 2024, plus de 398.000 personnes se sont nouvellement déplacées portant le total à plus de 2,68 millions de personnes déplacées. Les femmes, selon ce rapport, représentent 51 pourcent de la population déplacée. Dans ce contexte, les besoins humanitaires sont critiques au sein des populations qui n’ont plus ni abri ni source des revenus ni accès aux soins.

Les violences ont également perturbé l’accès aux services essentiels notamment les soins de santé. Les conditions d’hygiène précaires dans les sites des déplacés favorisent la propagation des épidémies, des cas de choléra ont ravagé les sites de Kirotshe, Kanyaruchina, Mugunga, Nzulo mais aussi la malnutrition.

Dans différents sites, le nombre des femmes est très élevé, celles-ci se démènent pour tenter de gagner leur vie et faire vivre leurs familles. Dans des conditions de vie absolument inhumaines, des milliers d’entre elles élèvent des enfants souvent seules et font de leur mieux  pour les nourrir parfois au prix de leur sécurité. Les enfants et les personnes de 3e âge  sous la responsabilité des femmes meurent de faim et de malnutrition.

Mauvaises conditions humanitaires au camp des déplacés de NZULO

L’accès à l’eau potable demeure un grand problème, les femmes et les filles préfèrent utiliser l’eau de la rivière ou des sources non aménagées pourvu qu’elles aient de l’eau peu importe la qualité. En plus de ce problème, c’est la quasi inexistence des matériels pour puiser et stocker de l’eau car ayant tout laissé chez elles.

 S’agissant des installations hygiéniques, elles n’existent presque pas et celles qui peuvent exister sont très insuffisantes et ne sont pas entretenues. Nombreuses femmes  peuvent se disputer une seule latrine ou douche, raison pour laquelle d’autres choisissent mieux se laver à la rivière ou ne pas se laver régulièrement.  

Les conditions hygiéniques personnelles  des femmes et filles sont déplorables en croire aux déclarations de certaines, surtout en période menstruelle et elles ne disposent et n’accèdent pas aux kits appropriés de protection (bandes hygiéniques) et par conséquent utilisent des morceaux d’étoffes pour se protéger. Aussi, avec la difficulté d’accéder à l’eau potable, celles-ci prennent bain avec l’eau souillée en s’échangeant des récipients comme des bassins, sceau etc. Cette pratique les expose aux infections difficiles à soigner.  Cette situation est une violation des prescrits de la Résolution 1325 qui demandent d’accorder protection particulière aux femmes et filles et prendre en compte leurs besoins spécifiques. Un appel est ainsi lancé à tous ceux qui interviennent en faveur des déplacées de tenir compte de ces besoins spécifiques  des femmes et jeunes filles.

d) Accès difficile aux soins de santé primaire et de maternité

N’ayant pas des moyens pour payer des soins de santé ou alors n’ayant pas moyen d’accéder aux structures sanitaires suite à l’insécurité, bon nombre des femmes recourent aux méthodes indigènes et à l’automédication pour se soigner.

Selon certaines femmes, les malades meurent à domicile ou en cours de route dans ce contexte ou encore  d’autres parviennent aux structures en état de gravité et ne survivent plus. Les déplacés internes sont considérés comme des personnes qui pèsent sur le travail des structures sanitaires surtout s’il n’y a aucun partenaire qui prend en charge leurs soins médicaux.

Concernant la maternité, les femmes enceintes qui accouchent ou allaitent sont particulièrement vulnérables du fait de leur situation. En  cette période de conflit armé, leur taux de mortalité s’accroit dans des proportions effrayantes.  Certaines femmes accouchent sans assistance infirmière dans n’importe quel endroit  dans les maisons ou au site ou en cours de déplacement au risque de perdre leur vie  et celle des nouveaux nés ; c’est le cas de Kibirizi  et environs actuellement.  Il est difficile pour les organisations de couvrir les frais de maternité, plusieurs femmes croupissent à la maternité faute des moyens, pire encore celles qui ont accouché par césarienne. Quelques femmes auraient bénéficiées de l’intervention des organisations  non gouvernementales, qui, du reste est minime compte tenue de la situation humanitaire actuelle.

Avec ce tableau sombre ci-haut peint sur la situation de la femme et la fille en période des conflits armés, il est clair de conclure que la protection invoquée dans la Résolution 1325, les prescrits des Plans d’action national et provincial ainsi que du plan d’action des Forces armées de la République Démocratique du Congo pour la lutte contre les violences sexuelles  sont restés jusqu’aujourd’hui moins pratiques. Face aux différents cas identifiés, les auteurs  des exactions à l’égard des femmes restent impunis, les besoins spécifiques des femmes et filles  ne font objet d’aucune attention dans la province martyre du Nord-Kivu par les autorités qui ont une obligation et la responsabilité de mettre en application ladite Résolution régulièrement adopter. La femme et la fille retrouvée dans l’Est de la République Démocratique du Congo serait déjà à l’abri, car se trouverait  protégée par cette Résolution de portée internationale.

Eu égard à ce qui précède, les recommandations suivantes s’avèrent indispensables :

  • Aux Nations-Unies, d’interpeler l’Etat congolais sur le non respect des engagements relatifs à l’application de la Résolution 1325 car ayant souscrit à cette résolution et était membre de l’ONU.
  • Au gouvernement congolais :
  • Faciliter les actions des acteurs qui interviennent auprès des populations traumatisées par les conflits armés.
  • D’entreprendre urgemment des actions concrètes  pour mettre fin à la guerre et à la violence qui détruisent la vie des femmes  et enfants.
  • De mettre en place un couloir de sécurité dans la province du Nord-Kivu afin de garantir la protection des civils, en particulier des femmes et des enfants contre les violences et tous autres abus perpétrés par les belligérants.
  • Enquêter sur les violations et abus commis sur la population civil sous toutes ses formes et  traîner les auteurs devant la justice.
  • De venir en aide aux victimes des massacres éparpillés à travers la province du Nord-Kivu en tenant compte des besoins spécifiques des femmes et des jeunes filles.
  • Mettre en place des mécanismes de prise en charge ou des réponses aux besoins spécifiques des femmes et filles déplacées internes par sa localisation.
  • Associer les femmes et jeunes filles aux actions des négociations et dialogues de paix tenues dans la région afin d’une prise à compte des leurs besoins. 
  • Mobiliser les partenaires nationaux qu’étrangers pour assurer la prise en charge holistique gratuite des femmes et filles survivantes aux violences.
  • Aux belligérants, de respecter le Droit International Humanitaire notamment la protection des civiles en période de conflits armés.
  • Aux organisations humanitaires :
  • De mener les actions urgentes en faveur des victimes des conflits armés en tenant compte des besoins spécifiques des femmes et filles.
  • Des documenter les cas des violations des droits des femmes et jeunes pendant cette période des conflits avec l’objectif des rappeler les décideurs leurs engagement.
  • Organiser des séances de vulgarisations de la Résolution ausein de la communauté et auprès des décideurs.

Me KAKULE KISAKA Justin

                 Avocat

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