VIVRE LA MASCULINITE POSITIVE POUR LUTTER CONTRE LES VIOLENCES BASEES SUR LE GENRE

I. Introduction

Les hommes et les femmes ont joué leurs différents rôles au sein de la société par rapport à leur nature biologique en référence au sexe.  

Des postes des responsabilités étaient réservés aux hommes alors qu’aux femmes  revenaient les moindres services car considérées ne pas détenir certaines capacités d’une personne dotée de ses facultés physiques, mentales, morales etc. Elle était placée sous la direction d’un homme. Ainsi, elle ne pouvait pas prendre parole en public, avoir une propriété, prendre une décision, être autonome. Bref, elle était soumise à un régime d’autorisation préalable avant de poser un acte donné.

L’histoire raconte que les revendications ont commencé petit à petit. Pendant que les hommes faisaient la guerre des conquêtes, les femmes accomplissaient certains travaux réservés aux hommes comme la maintenance des usines textiles et agricoles. Au retour des hommes, les femmes affichaient des résistances pour s’occuper de leurs tâches des mères.

Des revendications dans le domaine politique ont été aussi constatées pour le vote des femmes. La question devenait de plus en plus sensible dans le monde et des conférences ont été animées  avec une problématique selon laquelle il est difficile de: « développer le monde sans tenir compte de l’apport de la femme », un défis qui nécessitait d’être relevé.

Lorsque l’épineuse question de la femme devenait de plus à plus  une réalité, il a été constaté que le risque de ne pas matérialiser l’égalité entre l’homme et la femme  était grand si l’on  n’associe pas  ou si l’on ne s’intéresse pas  à l’homme  dans la promotion de la femme ; d’où  la notion de la masculinité positive devient actuellement intéressante dans la lutte contre les violences basées sur le genre et la promotion des droits de la femme.

II. Notions générales sur la masculinité positive

A. Définition de la masculinité

 La masculinité est un ensemble d’idées, des croyances et d’imaginations sur ce qu’est l’homme masculin et sur comment il devrait se comporter en société (c’est à dire son comportement social).

Elle caractérise les hommes et les rôles qu’ils doivent occuper dans une société ou un groupe social, leur manière d’être, de vivre certaines expériences, de se comporter dans différentes situations, de s’inscrire dans un environnement, de vivre leurs émotions.

B. Les sortes de masculinités

Il existe d’un côté la masculinité négative et de l’autre la masculinité positive.

a) La Masculinité négative

C’est une forme de masculinité qui dit aux hommes que la seule façon d’être un homme, c’est d’être dominateur, audacieux, agressif et dépourvu d’émotions. C’est une masculinité qui contraint les hommes à vivre prisonniers du rôle rigide et étriqué qui leur est dévolu.

Elle induit des comportements sexistes et patriarcaux tels que les violences, elle contribue aux inégalités entre les sexes et pénalise les femmes au profit des hommes. Elle méprise tout ce qui est féminin, banalise et encourage la violence et les comportements agressifs par ce que «  les hommes sont comme ça ».

La masculinité négative incite les hommes à s’endurcir plutôt qu’à s’ouvrir aux femmes ; elle nuit aux conditions de vie et au bien être des femmes mais aussi des hommes ainsi qu’à l’adoption des rapports sains et égalitaires des hommes vis-à-vis des femmes. Cette  attitude a été constatée dans nombreuses coutumes et pratiques dans les communautés africaines lesquelles ont influencé les législations au nom de la promotion des valeurs ancestrales qui malheureusement discriminent la femme.

C’ est pourquoi, des multiples réformes sont envisagées afin que la femme recouvre la jouissance de ses droits arrachés  par les partisans de la masculinité négative qu’on retrouve dans différents domaines notamment en économie où la pauvreté est féminisée. La femme est soumise  au bénévolat et dans l’informel. Dans le domaine religieux, cette  femme est dans la classe des opprimés qui doivent  obéir ; des interdits sont dirigés vers sa personne au nom de la soumission ; les enseignements ont parfois des soubassements à partir des exemples des femmes de la bible comme Eve, Délila, la femme de Job, etc.

Dans le monde de travail et politique, elles occupent des postes d’échelon inférieur avec une sous représentation dans les institutions pour la prise des décisions. Difficile d’atteindre ce seuil sans instruction. Des efforts sont en train d’être menés pour une masculinité moins hostile  aux droits à l’égalité entre les hommes et les femmes.

b) La Masculinité positive

La masculinité positive, c’est l’ensemble des caractéristiques, comportements propres aux hommes, comportements ou caractéristiques dépourvus des violences.

Ce concept incite les hommes à être des partenaires engagés et attentionnés qui prônent l’égalité  des sexes  et l’autonomisation des femmes ainsi que la complémentarité entre les sexes. C’est celle qui s’engage à déconstruire les normes négatives du genre, celle qui considère la femme comme un être humain avec les droits  au même titre que l’homme. C’est une attitude qui amène les hommes à s’engager dans la lutte contre les violences basées sur le genre, celle qui encourage l’autonomisation des femmes et filles en leur ouvrant les voies aux opportunités et à la collaboration afin d’une paix familiale et communautaire durable.

C. De l’implication de l’homme dans la transformation des normes de la masculinité

Une question se pose : pourquoi impliquer l’homme dans la transformation des normes de la masculinité ?

• Les hommes sont généralement des auteurs des violences faites à la femme.
• La plupart des hommes ont été d’une façon ou d’une autre profondément affectés par la violence au sein du foyer, dans la rue, par la guerre.
• Les hommes occupent de bonnes positions dans différents organes de prise de décision au sein du ménage, dans la communauté, dans la société.
• La promotion de la femme a semblé écarter l’homme, or sans l’implication de l’homme dans la lutte, il sera difficile de résoudre les problèmes liés aux violences basées sur le genre  et la promotion de la masculinité positive.

La masculinité positive vise à impliquer les hommes, les garçons et adolescents au processus de développement des sociétés égalitaires, inclusives et capables d’offrir les mêmes opportunités  surtout pour accélérer le changement des normes sociales contraires aux droits humains.

La notion de masculinité positive est abordée en s’abstenant de blâmer, afin d’éviter qu’on lui appose une étiquette empreinte d’un a priori automatiquement négatif, mais en questionnant nécessairement les relations de pouvoir des hommes envers les femmes qui entraînent de très nombreuses inégalités pour les femmes.

 Les hommes engagés dans la transformation des normes  s’appellent « des ambassadeurs de la masculinité positive »

D. Avantages de la masculinité positive

La masculinité positive contribue à construire des familles solides et des relations ou les hommes et les femmes peuvent mieux apprendre les uns des autres. Les hommes font partie du problème de l’inégalité, on peut travailler avec eux pour qu’ils fassent partie de la solution.

Bien que les rapports de pouvoir vécus dans la société sont  soient à l’avantage des hommes et place la femme dans une situation d’infériorité, il convient de noter qu’il s’agit des effets de la socialisation. Homme et femme acquièrent les modes de vie des sociétés qui le dressent selon leurs attentes.

La masculinité positive amène les hommes à remettre en cause le rapport de pouvoir inégal entre eux et les femmes et à fournir des efforts de changement en faveur de l’égalité. De cette manière ils contribuent aussi à lutter contre les violences basées sur le genre. Certains hommes ont compris que les femmes sont indispensables pour le développement des ménages en particulier et du pays en général. La masculinité positive est l’ensemble d’initiatives prises pour faire participer les hommes à l’avancement de l’égalité de genre et l’élimination des discriminations et des violences faites aux femmes.

 E. Exemple de la masculinité positive

Plusieurs exemples peuvent illustrer la masculinité  positive. Les hommes peuvent s’engager dans la garde et l’éducation des enfants, à aider aux travaux domestiques (cuisiner, puiser de l’eau, lessiver, ….), à amener leurs enfants à l’école, à prendre soins de leurs familles, à collaborer  en tout avec leurs épouses, leurs sœurs et à adopter une attitude positive envers la femme.

Nous comprenons ici que la masculinité positive inclut la prise de conscience des inégalités et agir pour le changement dans la division du travail, l’accès et le contrôle des ressources le caractère non violent,…

F. Histoire de succès sur la masculinité positive

Pour contribuer à l’effectivité de la masculinité positive, les organisations ont intégré la thématique dans leur programme et des groupes des hommes ambassadeurs sont constitués  dans différentes zones ; ceux-ci engagent des discussions entre eux pour analyser les avantages du caractère non violent chez l’homme.  Grâce à ces discussions et aux différentes sensibilisations,  certains hommes vivent aujourd’hui la masculinité positive.

La FJDF dans sa lutte contre les violences basées sur le genre, organise des séances des débats avec les autorités locales, les membres de la communauté et les élèves pour discuter sur cette thématique  afin de les amener au changement des attitudes. Ceux-ci à leur tour s’engagent à élargir la conscientisation dans la communauté.  

Certains hommes ont donné leur témoignage sur les avantages de la masculinité positive  dont nous proposons 2 de leurs :

1. « Nous vivons en ville de Butembo, ma femme et moi sommes tous des cultivateurs en chefferie des Bashu ; mais  c’est ma femme qui est plus active dans les activités champêtres : Quand elle va au champ elle arrive tard à la maison souvent transportant ce que nous allons manger comme souper. Arrivée à la maison, elle allume le feu quand moi je suis avec mes amis et commence à préparer voir aller puiser de l’eau ; ainsi la nourriture  nous est disponible tard dans la nuit et nos 2 enfants passent nuit souvent  sans manger et cela me crée des mésententes dans mon foyer. Quand elle me demandait de l’aider, je ne comprenais pas car je pensais que c’était un manque de considération à mon égard.  Un jour mon ami m’a invité  à suivre les discussions des hommes ambassadeurs  sur la division du travail au foyer  et j’ai compris que je faisais souffrir ma femme sans le savoir. Un jour j’ai décidé  d’allumer le feu en attendant que ma     femme    revienne du champ, et ce jour la nourriture a été prête  bien avant ; depuis lors, j’ai pris la décision de l’accompagner et de l’aider  à divers travaux et aujourd’hui nous vivons en harmonie .Tout au début je le faisais clandestinement car j’avais honte de mes amis du quartier qui m’accusaient de servir de mauvais exemple à leurs épouses mais aujourd’hui je suis fier de vivre cette masculinité sans violence »

    2. «  Je  travaille dans l’administration de santé ; dès le début de notre mariage mon épouse n’avait aucune idée sur mon salaire ni le compte que j’avais ouvert avant notre mariage. Je planifiais  avec mon grand frère sur certains projets que mon épouse ignorait et j’allais emprunter en banque. Mon épouse enseignante de carrière, son salaire servait pour  la restauration et quelquefois je lui donnais des miettes  de mon salaire car le sien ne suffisait pas pour couvrir tous les besoins.  J’ai suivi plus d’une fois la sensibilisation sur les violences basées sur le genre mais je la banalisais car dominé par les croyances culturelles.  Mon frère avec qui j’étais a été malhonnête, il a détourné mon argent et vendu le champ qu’on exploitait ensemble et s’est volatilisé dans la nature. Je suis resté mains bredouilles, à la banque j’étais menacé  de rembourser l’argent emprunté  et cela m’a obligé à informer mon épouse que j’étais en difficulté. J’ai été approché par les membres du comité de protection  communautaire accompagné par la FJDF pour discuter avec les autres hommes sur les VBG et la masculinité positive, c’est là que j’ai pris conscience que je connaissais les effets de la masculinité négative, c’est ainsi que j’ai pris l’engagement d’améliorer mes relations avec mon épouse c’est pourquoi je lui ai relaté   toute la situation   depuis notre mariage, il y a 4 ans,  après concertation nous avons vendu notre champ pour rembourser la dette de la banque.   J’ai demandé pardon à mon épouse et nous avons recommencé une nouvelle vie, il n’ya plus de secret entre nous, nous planifions ensemble et nous sommes en train d’investir car elle me donne des orientations. Partout où j’arrive je partage cette expérience pour conseiller les hommes comme moi car nous menons une vie heureuse sans violence »

Au demeurant, nous croyons  que les pratiques nuisibles et les différentes violences peuvent être  transformées par une sensibilisation très répandue  et soutenue par tous les leaders communautaires et cela peut permettre aux garçons comme aux hommes d’adopter  des attitudes positives égalitaires qui soutiennent les changements en faveur de l’amélioration de la condition des filles et des femmes.  

                                                                        BISOMEKO MBAMBU ZAWADI

                                                                 Secrétaire Exécutive de la Solidarité des Associations

                                                                 Féminines pour les Droits de la Femme et de l’enfant  

                                                                                           (SAFDF)