La situation des femmes dans les cachots de la Ville de Butembo reste à désirer. Outre la vulnérabilité liée aux installations carcérales, les femmes arrêtées et mises en détention sont victimes des diverses violations des droits humains qui se traduisent par les pratiques illégales, les irrégularités procédurales, la torture et les traitements inhumains, cruels ou dégradants tant par les acteurs de la justice par codétenues.
D’une part, ces violations sont enregistrées dès la saisine de l’autorité judiciaire où les femmes sont victimes d’extorsion des biens voire des signatures, d’humiliation et parfois des coups et blessures volontaires par les agents de l’ordre lors de l’exécution des actes de procédure et au moment de la surveillance réguliers des cachots. Les droits fondamentaux reconnus aux personnes arrêtées et
placées en détention ne sont pas respectés, on constate la prolongation des délais de détention préventive, de garde à vue, la soumission au payement des cautions exorbitantes non justifiées, la non surveillance régulière des lieux de détention, … et le non-respect de principe de la compétence matérielle des juridictions surtout à l’heure actuelle où la Province du Nord-Kivu est placée sous l’état de siège.
D’autre part, des pratiques néfastes qualifiées de traditionnelles sont mises à place à l’intérieur des cachots où les femmes sont accueillies par des coups et blessures volontaires par leurs semblables, soumises à des traitements inhumains et dégradants, des humiliations, des extorsions d’argent en guise d’ « intronisation » des nouvelles arrêtées détenues, des atteintes à l’intégrité physique parmi lesquelles les actes des violences sexuelles.
Devant ces comportements et pratiques illégaux, les femmes sont restées sans voix se reprochant leur culpabilité entant que femme mais aussi par crainte de subir des représailles des codétenues dans les mesures où les faits leurs affligés sont portés à la connaissance de l’autorité judiciaire plus encore par ignorance de la procédure judiciaire et des lois régissant le pays.
Ainsi, le présent article ne traite pas seulement de la procédure de détention en RD Congo, elle parle aussi de la situation des lieux de détention en ville de Butembo ainsi que des différentes violations à l’égard des femmes détenues.
1) Compréhension des concepts
La Constitution de la RD Congo, du 18 Février 2006, prévoit à son article 18, les droits des personnes arrêtées et détenues. Et dans la lutte contre la criminalité, l’article susmentionné prévoit la procédure d’arrestation et de détention d’une personne.
Aux termes de l’article 7 du Code de procédure Pénale Congolais, le Ministère public (parquet) a la mission de rechercher les infractions aux actes législatifs et règlementaires qui sont commises sur le Territoire de la RD Congo.
Les articles 2 et 4 du Code précité ajoutent que sous les ordres et l’autorité de l’Officier du Ministère Public, les Officiers de Police Judiciaire interviennent dans la recherche des infractions et dans la saisie ou appréhension au corps des personnes coupables ou suspectes lorsqu’ils estiment qu’il existe des indices sérieux de culpabilité à leur charge.
Il ressort de ces articles que ne seront arrêtées et mises en détention que les personnes ayant enfreint la loi ou commis des infractions.
Communément, les deux actions, arrestation provisoire et détention préventive, vont toujours de pair et renferment l’idée de priver à quelqu’un, sa liberté d’aller et de venir où il veut avec la charge de le conduite immédiatement devant l’autorité compétente.
Cependant, en Procédure Pénale Congolais, les deux concepts sont distincts et cela s’observe dans la mise en œuvre de la procédure à suivre.
2) La mise en œuvre des mesures d’arrestation provisoire et de détention préventive
A la lecture des articles 2 et 4 du Code de Procédure Pénale, procéder à l’arrestation des auteurs présumés des infractions est l’une des attributions ou des pouvoirs reconnus à la Police et au Parquet.
Ainsi, cette action qui a comme objectif de conduire l’instruction en vue de la découverte de la vérité est déclenchée par des mandats de comparution ou d’amener décerner par les Officiers de Police Judiciaire et du Ministère Public (Article 15 du Code de Procédure Pénale).
Ces actes qui contiennent les identités, les adresses de la personne suspecte, portent aussi des indications sur l’autorité qui l’a établi ainsi que sur les adresses de l’instance chargée de l’instruction. Il convient de souligner qu’ils doivent faire mention du motif.
Cependant, la confusion se crée par le fait que, généralement, les personnes arrêtées peuvent être momentanément détenues. Mais l’article 28 alinéa 1 du Code de Procédure Pénale dispose que la détention préventive est une mesure exceptionnelle. C’est pourquoi, le code précité fait mention des certaines conditions pour détenir un présumé auteur d’une infraction.
Les articles 28 à 31 précisent que pour qu’une personne coupable ou suspecte soit mise en détention, l’Officier du Ministère Public doit placer cette personne sous un mandat d’arrêt provisoire avec la charge de la conduire devant le juge compétent pour statuer sur la détention préventive. C’est le juge qui statut par voie d’une ordonnance pour décider en chambre de conseil de la mise en détention d’un présumé auteur de l’infraction.
De ce qui précède :
L’arrestation provisoire est opérée sur base des mandats de comparution et d’amener décernés par le parquet (agents et les officiers de la police judiciaire ainsi que les officiers du ministère public) dans le but de conduire la personne coupable ou suspecte devant l’autorité compétente (pour instruire ou pour ordonner la détention préventive)
La détention préventive quant à elle est opérée sur base d’une ordonnance de mise en détention par les juges (juge de détention qui est le juge du Tribunal de Paix) dans le but de retenir ou incarcérer la personne coupable ou suspecte soit à titre des peines soit à titre préventif en attendant l’issu du procès.
3) De la détention préventive et la protection de la femme en situation d’incarcération
Actuellement dans la sphère juridique, le principe de la liberté est la règle, la détention l’exception a perdu son sens. Le contraire gagne de plus à plus le terrain. Les arrestations provisoires et les détentions préventives sont devenues des pratiques courantes « de gagne-pain » pour les acteurs judiciaires qui ne respectent plus les prescrits de la loi. Les détentions préventives sont imposées aux femmes sans tenir
compte des modalités légales, les délais de détentions sont prorogés au profit des instructeurs dans le but d’exiger des cautions exorbitantes aux détenues pour leur libération. Les femmes dans les milieux carcéraux ont perdu tout espoir faute des moyens financiers et n’ont plus confiance au système juridique.
Malgré les avantages prescrits par la loi congolaise, les milieux carcéraux sont devenus des lieux où les droits humains sont moins garantis. La population carcérale est plus élevée par rapport à la capacité d’accueil sans eau, alimentation, médicament.
Bref, les conditions hygiéniques sont déplorables pour les femmes, les droits fondamentaux de l’homme ne sont plus respectés.
a) Les juridictions militaires et le recours excessif à la détention préventive
Par l’Ordonnance présidentielle n° 21/015 du 3 mai 2021, l’état de siège a été instauré dans les Provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri où le pouvoir administratif de ces provinces a été confié aux autorités militaires, en vue d’imposer la paix dans la partie Est de la RD Congo touchée par des conflits armés.
Sur le plan juridique, cette ordonnance a eu pour effet de transférer la compétence pénale des juridictions pénales aux juridictions militaires avec comme objectif de lutter efficacement contre les groupes armés et renforcer la protection des populations civiles et de leurs biens.
Loin de militer pour la restauration de la paix, il s’observe par contre certaines pratiques qui compromettent le droit à un procès équitable et à l’accès à la justice.
Le recours croissant à ces juridictions a poussé les acteurs judiciaires militaires à instaurer un système coercitif (intimidant) et les détentions qualifiées de préventives sont aujourd’hui, un des moyens de mise en œuvre des pratiques illégales parmi lesquelles on cite le rançonnement des acteurs judiciaires. Cette façon de faire a entraîné une augmentation considérable des femmes en détention préventive en attente de leur procès et une détérioration excessive des conditions de détention.
Les femmes sont abandonnées en elles seules dans les cachots où les conditions demeurent précaires. Les magistrats des parquets militaires s’intéressent moins à l’instruction de leurs dossiers qui sont attribuées parfois à un personnel sans qualité et les enquêtes sont ainsi limitées et retardées faute des moyen. Alors que l’ordonnance présidentielle du 18 mars 2022, modifiant et complétant celle du 21/016 du 3 mai 2021 ci-haut mentionnée, a énuméré des infractions pour lesquelles les juridictions militaires resteraient compétentes à l’égard des civils, certaines femmes sont détenues aux parquets militaires alors qu’elles seraient justiciables devant les juridictions de droit commun.
Le respect et la protection de la dignité humaine tels que consacrés à l’article 18, point 5 de la Constitution de la RD Congo sont devenus un slogan. Alors que toute personne détenue a droit à un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa dignité, les cachots sont devenus des véritables mouroirs où s’observent les déficiences graves dans l’alimentation, l’hygiène, les logements, etc. Le respect et la protection de la dignité humaine tels que consacrés à l’article 18, point 5 de la Constitution de la RD Congo sont devenus un slogan. Alors que toute personne détenue a droit à un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa dignité, les cachots sont devenus des véritables mouroirs où s’observent les déficiences graves dans l’alimentation, l’hygiène, les logements, etc.
Les femmes dorment sur le sol où sont étalés des morceaux de sac et étoffes. Elles se couvrent des pagnes avec lesquels elles ont été retrouvées au moment de leur arrestation. Aucun traitement des femmes enceintes, allaitantes, vulnérables par maladies chroniques n’est envisagé, pas même un kit de secours pour le moment des règles menstruelles.
Les cachots construits à majorité en planches sont invivables et les femmes détenues sont à la merci des punaises, puces et autres insectes nuisibles. Ces cachots dépourvus des toilettes, les femmes sortent à l’extérieur pour des besoins physiologiques dans les latrines publiques sous la surveillance des agents de l’ordre et au vue des passants.
Cette situation expose les femmes aux maladies de la peau et aux infections vénériennes et fort malheureusement, un aucun service sanitaire et hygiénique n’y est affecté. Aussi, ces femmes sont stigmatisées dans la communauté et sont pointées du doigt lorsqu’elles se rendent à ces latrines publiques.
Ces enfants qui ne bénéficient d’aucune prise en charge, vivent dans des conditions leur imposées par le disfonctionnement de la justice. Ils sont soumis à l’alimentation non adaptés et sont servis à des heures imparties selon l’arrivée des visiteurs qui sont parfois les membres de familles des détenues ou des corporations religieuses, aucune garantie de l’Etat n’est assurée pour ce fait.
« Lors des visites par les membres de nos familles qui viennent avec la nourriture, il leur est exigé de payer de l’argent à l’entrée du cachot pour être servi. Aussi, celles qui ont des familles résidant loin du cachot, ils n’arrivent pas souvent ; ce qui nous appelle à une sorte de solidarité dans le milieu carcéral. Elles prennent de nos parts qui sont d’ailleurs insignifiantes pour nous toutes » : s’est confiée une femme détenue.
b) Irrégularité de la détention préventive
Aux termes de l’article 27 du Code de Procédure Pénale Congolais, certaines conditions doivent être remplies pour qu’un inculpé soit mis en état de détention préventive. De ces conditions peuvent être citées :
A ces conditions, s’ajoute la tenue de la chambre de conseil pour la régularisation de la détention par une ordonnance de la mise en détention préventive.
Il découle de ce qui précède, que l’inculpé dans le chef duquel sont constaté des indices sérieux de culpabilité doit comparaître devant le juge de détention pour que ce dernier confirme la détention préventive. La durée légale de cette mise en détention préventive est de 15 jours, à compter du jour où l’ordonnance de mise en détention préventive est rendue.
A l’expiration de ce délai de 15 jours, la chambre de conseil peut décider de prolonger la détention préventive de mois en mois, et ce aussi longtemps que l’intérêt public l’exige. Les ordonnances de prorogation doivent être constituées selon les mêmes conditions que l’ordonnance de mise en détention préventive.
Avec l’état de siège, une défiance s’observe dans la régularisation de la détention préventive, les cas échappant au contrôle du juge de détention. Beaucoup des dossiers sont clôturés au niveau du parquet militaire qui exerce le plein pouvoir dans l’instruction et c’est sur une période excédant le délai prévu par la loi qui accorde une durée de 48 heures de garde en vue par le Ministère Publique. Les femmes en détention, ne sont pas présentées devant le juge de détention et sont irrégulièrement détenues aux différents cachots qui échappent aussi à l’autorité qui a dans ses attributions le contrôle et la surveillance de lieux de détention.
Le manquement au devoir de contrôle et de surveillance par l’autorité entraine aussi de conséquences néfastes aux droits de la femme qui sont victimes d’escroquerie, d’extorsion, d’attentat à la pudeur, d’injures, des coups et blessures volontaires par les codétenues.
« Le premier jour de mon entrée au cachot, la cheffe de l’équipe dénommé encore présidente, m’avait fait payer une somme de 20 dollars américains pour avoir une place aux côtés des autres femmes en détention », a dit une femme détenue et une autre a ajouté : « Le jour de mon arrestation, la cheffe m’avait demandé d’enlever les habits en m’administrant des coups et m’avait fait entrer dans une petite chambre utilisée comme douche où j’avais passé toute la nuit, débout sous un grand-froid. Le matin, vers 5h, elle m’avait demandé de me rhabiller et rejoindre les autres ».
Les femmes dépourvus de leur liberté se retrouvent abandonnées par leurs proches estimant que celles-ci doivent croupir dans un état sans interventions surtout financières afin de permettre leur mise en liberté. Nombres des faits les reprochés émanent des membres des familles, amis des sexes parfois opposés.
4) Conclusion et recommandations
Il n’existe pas en droit congolais une obligation légale de mettre un inculpé en détention.
La détention étant une mesure exceptionnelle, elle se repose sur un certain nombre des justifications dont la principale est de prévenir que la personne suspecte ne se soustrait pas à la justice par la fuite.
Il est cependant déplorable que les droits des personnes en détention préventive ne sont pas respectés par les acteurs ayant l’obligation de les protéger.
Il s’avère que cette mesure a perdu son contenu surtout au cours de la période où la Province du Nord-Kivu est placée sous le régime de l’état de siège. Aucune amélioration de protection de la situation des droits humains n’est constatée, la liberté individuelle n’est pas garantie et la femme a perdu toute sa dignité. Elle est par ce fait exposée à des pratiques illégales où elle est victime de la détention irrégulière qui la contraint à des cautions exorbitantes.
Actuellement avec le contexte de conflit, les cachots en Ville de Butembo sont cibles des attaques permanentes des groupes armés et les femmes en détention irrégulière y risqueraient leur vie.
De ce qui précède, les recommandations suivantes s’avèrent indispensable :