DE LA PROBLEMATIQUE DE PROTECTION DES VICTIMES ET DES TEMOINS  EN  MATIERE DES VIOLENCES SEXUELLES ET BASEES SUR LE GENRE

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I. INTRODUCTION

La  question des victimes et témoins occupe une place capitale dans le rétablissement de la vérité. Des multiples violations se passent sans être rapportées suite aux faiblesses qui paraissent avoir des racines dans les mécanismes de protection garantie aux victimes et témoins des événements ayant causé préjudices. Comme le criminel revient sur le lieu du crime enseigne un dicton, il est permis de voir un criminel comme un être qui n’a cessé  de faire retour vers l’origine de sa culpabilité.

Dans les législations internationales et nationales des mesures des protections sont toujours intégrées. Le traité de Rome de 2002 instituant la Cour Pénale Internationale a accordé une protection spéciale aux victimes et témoins. Nombreux pays africains notamment la RD Congo, ont adhéré au statut de Rome définissants les règles de fonctionnement de cette juridiction de portée internationale.

En RDC, dans le souci d’assurer un bon déroulement de l’instruction, certaines mesures ont été envisagées et le Code de Procédure Pénale a prévu la restriction de la liberté par une détention préventive du prévenu dans l’objectif de maintenir l’ordre public. Les lois n° 006/018 et 006/019 du 20 Juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 06 Août 1959 portant Code de Procédure Pénale ainsi que celle du 26 Décembre 2022 fixant les principes fondamentaux relatifs à la protection et à la réparation des victimes de violences sexuelles liées aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité attribuent la qualification « victime » à toute personne ayant subi des faits des violences  sexuelles liées ou non aux conflits.

Cependant bien qu’il existe une obligation légale recommandant aux autorités judiciaires de prendre des mesures nécessaires pour assurer la protection et la sécurité des victimes et témoins, des menaces, des harcèlements, des récidives des présumés auteurs sont souvent enregistrés et malheureusement contre les victimes et témoins qui devront en réalité bénéficier desdites mesures.

En Ville de Butembo et environs, les mesures des protections et de sécurisation des victimes et témoins sont restées théoriques ; les organisations d’accompagnement tentent de suppléer en faveur des victimes et témoins ayant des besoins urgent des protections. Certains mécanismes adaptés aux réalités locales ont été développés dans le but de réduire les risques auxquels sont exposés les victimes et témoins.

La non prise en compte de cette question laisse une place au silence des victimes et témoins qui restreigne le droit à l’accès en justice.  Dans le souci d’attirer l’attention sur la question de protection dans une procédure judiciaire pour les cas des femmes victimes ou témoins des violences sexuelles  et celles basées sur le genre au regard des lois en vigueur, cet article sera à la disposition des lecteurs  afin de réveiller ceux qui ont la charge d’application des ces mesures spécifiques.

Ainsi, notre réflexion partant de l’expérience de la FJDF, une organisation d’accompagnement des femmes victimes des diverses violations s’articulera autour des 3 grands points à savoir la protection légale des victimes et des témoins (I), les limites à la protection et la sécurité des victimes (II) et les perspectives pour une prise en charge des femmes victimes (III).

I. DE LA PROTECTION LEGALE DES VICTIMES ET TEMOINS

1. Définition des concepts

a) La victime

Conformément à la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir (Résolution 40/34 de l’Assemblée générale, annexe), on entend par « victimes » des personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omissions qui enfreignent les lois pénales en vigueur dans un État Membre, y compris celles qui proscrivent les abus criminels de pouvoir[1].

Cette définition a été reprise par la loi n°22/065 du 26 Décembre 2022 fixant les principes à la protection et à la réparation des victimes de violences sexuelles liées aux conflits, crime contre la paix et sécurité de l’humanité qui définit la Victime comme : « Toute personne ou groupe des personnes ayant subi directement ou indirectement un ou plusieurs préjudices résultant des violences sexuelles liées aux conflits et ou des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité perpétrés en République Démocratique du Congo ».

Et   au statut de Rome d’ajouter que c’est toute organisation ou institution dont un bien consacré à la religion, aux arts, aux sciences ou à la charité, un monument historique, un hôpital ou quelque autre lieu ou objet utilisé à des fins humanitaires a subi un dommage.

Ainsi donc, la victime est soit une personne physique soit une personne morale (organisation) qui a  subi un dommage par le fait d’un tiers.

b) Le témoin

Le témoin est une personne qui a assisté à un événement déterminé  qui peut certifier quelque chose d’important sur l’exercice ou l’accomplissement des faits intéressant une enquête, donc qui a vu ou entendu de manière significative pour reconstituer tout ou partie des faits expliquant l’événement.

Selon le dictionnaire juridique un témoin c’est une personne qui, déposant en justice sous la foi du serment, fait connaitre ce qu’elle sait au sujet des faits (objets d’une information ou d’une procédure de jugement) ou sur la personnalité des personnes mises en cause et peut faire état non seulement de ce qu’elle a vu ou entendu dire (oui dire ). 

En bref, c’est toute personne susceptible d’éclairer, d’une manière substantielle la justice. Celle-ci avant de comparaitre devant une juridiction est tenue de prêter serment de dire la vérité  et de fournir son témoignage.

Les experts, les officiers de police judiciaires, les coaccusés peuvent dans témoigner dans une procédure ouverte.

c) Le préjudice

C’est un dommage ou atteinte qui est causé à autrui d’une manière volontaire ou involontaire. Le préjudice peut toucher ou affecté le patrimoine de la victime et dans ce cas, il consiste soit, à une perte, soit encore dans la suppression ou la diminution de revenus. Il peut aussi atteindre la victime dans sa personne, dans sa dignité, son intégrité et sa morale ou son affection ou encore son honneur, etc.

d) Réparation ou indemnisation

Littéralement, la réparation signifie « remettre en état » mais dans son acception classique, la notion de réparation, renvoie à celle de responsabilité civile qui est l’obligation pour une personne de réparer un dommage subi par autrui à la suite de l’événement dont elle est responsable[2].

Elle est donc entendue comme l’indemnisation ou le dédommagement d’un préjudice par la personne qui en est responsable civilement ou mieux, comme le rétablissement de l’équilibre détruit par le dommage et consistant à replacer, si possible, la victime dans la situation où elle serait si le dommage ne s’était pas produit.

Ainsi définie, elle s’oppose à la responsabilité pénale qui est l’obligation de subir une peine quand on a troublé par sa faute l’ordre social.

II. LES LIMITES A LA PROTECTION DES VICTIMES ET TEMOINS  

Le droit de la victime à demander réparation, le fait pour le témoin d’éclairer sur les actes préjudiciables crée dans l’esprit du bourreau ou de ses proches une vengeance ; d’où leur protection.

La législation congolaise prévoit des mesures de protection des victimes et des témoins ou de toute autre personne impliquée.

La protection des victimes et témoins figurent parmi les droits qui leurs sont reconnus lorsqu’elles participent à une procédure de rétablissement de la vérité devant une instance. Des mécanismes et mesures doivent être entrepris contre les représailles et les troubles de l’ordre public.

En matière des violences sexuelles les victimes des violences ont droit qu’on tienne compte de leur sécurité, leur bien être  physique ou psychologique, leur dignité et de leur vie privée.

Le plus souvent, les victimes et les  bourreaux vivent en proximité ; ils peuvent être soit d’une même famille soit habitants d’une même contrée soit encore, ils peuvent habiter le même toit ;  dans d’autres cas, ils peuvent être des personnes notables ayant des influences, des agents de l’ordre, des miliciens, etc.

Dans ce cas, les victimes des violences sexuelles sont menacées par leurs bourreaux qui profitent de leur état pour commettre par abus et exploitation de leur  vulnérabilité. C’est pourquoi nombre des cas sont enregistré dans le chiffre noir à part les quelques rares cas portés à la connaissance des structures de prise afin de connaitre la vérité.

Malheureusement, il est regrettable de constater que les auteurs se retournent contre les victimes par vengeance, représailles. Même les cas extra-judiciaires avec compromis des parties, engendrent des conséquences néfastes liés à l’inexécution des conventions qui serviraient  pourtant de force de loi en RDC.

Les mécanismes pratiques de protection des victimes et leurs limites

a) De la  protection et sécurité  des victimes

Il sied d’abord de souligner que la meilleure protection reste la prudence et la discrétion. Les personnes qui collaborent pour traquer les malfaiteurs doivent aussi bénéficier d’une garantie minimum de sécurité découlant de leur témoignage.


[1] UNODC, Bonnes pratiques de protection des témoins dans les procédures pénales afférentes à la criminalité organisée, 2009, pg 21.  

[2] Article 258 du Code Civil Congolais Livre III stipule : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Par ailleurs quelques pratiques sont utilisés en cas d’accompagnement judiciaire des femmes victimes des diverses violences :

  • La tenue des procès non publics : le huis clos

– Voiler la face  des victimes durant les audiences de manière à ne           pas être identifiées par ceux qui peuvent leur causer du mal ;

  • L’utilisation  des codes sur les dossiers (fardes) et  des  pseudonymes  pendant les audiences ;
  • Interdiction de la divulgation des certains éléments de preuve pour éviter la fuite de l’information.
  • L’accompagnement des victimes par le conseil à toutes les étapes de la procédure  les rassure tant soit peu ;
  • Les dossiers des victimes ne sont accessibles que par ceux qui les accompagnent car sont confidentiellement gardés ;
  • Assurer le transport des victimes avec des agences bien connus ;
  • Garder le contact avec les victimes et leurs familles.
  • Interdiction  de prise des photos pendant les audiences sauf autorisation du tribunal ;
  • Détention du prévenu.
  • L’utilisation  des codes sur les dossiers (fardes) et  des  pseudonymes  pendant les audiences ;

Exemple d’un dossier d’une victime majeure dont les noms sont codifiés sans détails sur son identification

Exemple d’un dossier d’une victime mineure dont les noms sont codifiés mais pas ceux de la partie civile qui est seulement identifié par son nom

En ville de Butembo comme en territoire de Lubero, Beni Ville et Territoire nombreuses victimes ont été agressées comme nous l’avions ci-haut démontré par les personnes qui leur sont proches et avec qui elles sont contraintes de vivre pendant que les poursuites ont été ouvertes ; la majorité venant en dehors de Butembo où se trouvent les instances judiciaires n’y ont pas de connaissance et suite à leur situation de vulnérabilité, ne savent pas subvenir aux besoins vitaux à terme de logement, restauration à part ce qu’offrent certains partenaires ;  d’où un grand risque pour elles et leurs familles. Les personnes poursuivies ont bénéficiées des libertés provisoires et même les condamnés qui parviennent à s’évader sans être récupérés pour purger leurs peines.

Un centre de transit d’hébergement serait nécessaire pour garder temporairement les victimes et témoins, un service supplémentaire à côté des maisons d’écoute.

Certaines victimes ont été la proie des représailles. Si les unes ont été contraintes de déménager de leurs milieux respectifs pour leur sécurité, les autres ont préféré se désister de leur action pour vivre en paix. Les moyens étant limités, certaines autres victimes en situation des menaces graves sont hébergées dans les familles d’accueil de bonne volonté : la FJDF affirme avoir enregistré 2 cas depuis le début de l’année 2023 dans lesquels les victimes ont été délocalisées pour être  à l’abri menaces.

Pour les victimes d’autres violences basées sur genre, il se pose un problème quand il s’agit surtout des violences domestiques ( entre partenaires intimes, les personnes vivant sous un même toit familial , le même milieu) nombreuses sont obligées de retourner pour vivre avec les bourreaux  à leur risque et péril ; une victime   a été tuée par justice populaire  en commune Vulamba ville de Butembo or  ce risque serait réduit si celle-ci était logée dans un centre de transit    et si le service de  l’ordre disposait d’une politique conformément à leur mission d’assurer la sécurité de la population. Disons aussi que les maisons d’écoute  sont considérées tant soit peu comme des lieux rassurant pour la sécurité des victimes qui expriment leurs problèmes. Des activités de détraumatisation individuelle et des groupes y sont organisées en faveurs des victimes. Elles apprennent des petits métiers afin de rendre leurs productions quotidiennes compétitives.  Les locaux des maisons disposent d’un emplacement sur offrant un espace avec deux voies de sorties, les courriers liés aux correspondances sont transmis à travers un intermédiaire qui peut être le chef de l’entité, un transporteur ou une autre personne dans la communauté.

b) Protection  et sécurité des témoins des témoins

Comme déjà ci haut défini, le témoin est toute personne susceptible d’éclairer, d’une manière substantielle la justice. Celui-ci avant de comparaitre devant une juridiction est tenu de prêter serment  de dire la vérité  et de fournir son témoignage.   Les experts, les officiers de police judiciaires, les coaccusés, peuvent  dans certains cas être des témoins.  Le fait pour le témoin d’éclairer sur les faits crée dans l’esprit du bourreau ou de ses proches  une vengeance.

Une protection efficace des témoins est un élément déterminant du système judiciaire pour restaurer la vérité ; la protection doit être axée sur la sécurité physique  des  témoins  surtout qui ont témoigné contre des bourreaux violents ou susceptible de recourir à la violence. Cependant, même si les faux témoignages contre les victimes ont été recueillies par crainte du degré des capacités de nuisance de l’auteur présumé découlant d’un manque des protections par les services habiletés qui accorde moins d’importance à  cette question. On ne  cesse pas de décrier certaines pratiques ou l’audition des témoins  se passent sans précautions des les séparer  soit en présence d’autres personnes  qui facilite l’entente des ceux-ci autour d’une question.  Les témoins doivent être isolés pour l’empêcher de suivre les débats mais il arrive de fois que ce préalable ne soit pas mis en application au début de la procédure. Certains témoins voudraient  recevoir des récompenses  pécuniaires une fois les témoignages rendus pour illustrer  une situation donnée pourtant dans la plupart des cas les victimes vivent dans état de vulnérabilité que les témoins véreux exploitent, ce qui est  un risque de revivre les événements vécus.

La FJDF quant à elle, pour  diminuer  les risques auxquelles seront exposés  les témoins a défini certaines stratégies pratiques :

  • Les témoins attendent dans un endroit bien sécurisé avant  et après déposition ceux-ci retournent directement.
  • L’utilisation des moyens qui ne dévoilent pas l’identité du témoin.
  • Le numéro de contact leur est   partagé   en cas d’alerte   sur une éventuelle menace.
  • Les consignes de sécurité sont données aux témoins
  • Engager des poursuites contre des personnes qui ont menacé un témoin,
  •  Faciliter leur mobilité à terme des suppléments aux dépenses liées au transport et au logement, leur parler des dispositions légales prévues en cas des faux témoignages.
  • Détenir un répertoire actualisé des autorités judicaires

Les différentes difficultés liées au régime de protection des victimes et témoins des violences sexuelles en RDC appellent de toute évidence la formulation de quelques pistes de solutions palliatives.

III  DES PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS  

 L’accroissement des mesures de protection et la mise en œuvre de nouvelles réformes peuvent contribuer à la promotion du droit à la protection aux victimes et témoins des violences sexuelles :

  • La nécessité d’enrichir la série des mesures de protection des victimes et des témoins des violences sexuelles et autres violences basées sur le genre dans les pratiques judicaires congolaises ;ici nous pensons  à la domestication des mesures de protection spéciales pertinentes   afin de permettre de recueillir  des informations faibles et crédibles dans un environnement sain ..
  • L’institution d’un tribunal qui connaitra  des cas des violences sexuelles et basées sur le genre ; ceci permettre d’avoir un contrôle ou un regard attentionnée sur elles mais aussi de bien appliquer tant soit peu les mécanismes de leur  protection  ainsi que des témoins.
  • Facilitation du cout lié à la procédure des témoignages en le mettant en charge de l’Etat.

Au regard de ce qui précède, nous recommandons ce qui suit :

  • Au gouvernement : d’élaborer par  un décret du premier ministre un    programme de protection des témoins et victimes des violences sexuelles et autres violences basées sur le genre.
  • Au législateur congolais : d’opérer des réformes des lois pour donner des bonnes précisions sur les victimes et les mécanismes pratiques de leur protection.
  • Aux juridictions congolaises :
  • De redynamiser la cellule des violences sexuelles implantée dans les édifices des parquets ;
  • Renforcer les capacités    des acteurs intervenants  dans  la protection des victimes et témoins.
  • Utilisation de la technologie en distance
  • Aux différents partenaires : d’appuyer les activités de  création des centres  d’hébergement temporaire des victimes et témoins.
  • Aux organisations d’accompagnement des femmes : d’appliquer les politiques de sauvegarde.
  • Aux victimes et témoins :
  • D’éviter  les faux témoignages et la manipulation sur des faits divers.
  • De rester discrets
  • De remonter les alertes sécuritaires
  • De conserver les éléments matériels tels que les  objets des preuves.

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