Dans son combat pour la promotion, la protection et la défense des droits de la femme et de l’enfant il ya aujourd’hui deux décennies, l’organisation des femmes Juristes pour les droits de la Femme et de l’Enfant, FJDF, en sigle donne sa contribution non négligeable dans la lutte contre les violences faites à la femme et à l’enfant dont les violences sexuelles qui sont aussi récurrentes que d’autres par l’assistance ou l’accompagnement juridique et judiciaires. Avec son expertise car composée majoritairement des femmes ayant étudié le droit et assermentées, la FJDF gagne la confiance des femmes et filles victimes de son rayon d’action c’est-à-dire la partie nord de la province du Nord-Kivu qui se confient en toute sécurité à leurs semblables pour recouvrer leurs droits
Durant les 2 dernières années soit 2020 et 2021 Depuis le début de l’année 2020, plusieurs cas des violences sexuelles dont 204 commises sur les filles mineures ont été identifiés et consultés au cabinet de la FJDF. Un taux visiblement élevé comparativement aux années précédentes.
Dans le présent article, la FJDF veut partager avec ses lecteurs et différents partenaires les cas des violences sexuelles commises sur les jeunes filles dont l’âge varie de 0 à 17 ans et les facteurs ayant favorisé ces violences pour attirer l’attention particulière dans l’accompagnement de cette catégorie des personnes et s’impliquer dans sa protection.
2. CONTEXTE GENERAL DE LA PERIODE
Cette période a été caractérisée par le redoublement dans plusieurs coins du pays surtout dans la partie Nord de la province du Nord-Kivu ou des enlèvements et massacres se sont multipliés notamment à Beni ville et territoire ou au moins 5000 personnes ont été sauvagement égorgées par des rebelles ADF Nalu. Un activisme alarmant des groupes armés a été observé aussi bien à Beni ville et territoire qu’en territoire de Lubero ou ils commettaient des graves violations dont les tueries, les enlèvements, les incendies des maisons et véhicules , les viols et autres violences sexuelles sous différentes,…cette situation a été à la base des déploiements réguliers des troupes des FARDC dont malheureusement certains éléments seraient accusés de mêmes exactions que les milices alors que la Résolution 1325 des Nations Unies exigent aux dirigeants des pays membres de protéger les femmes, filles et enfants pendant et après les hostilités. Ainsi les mouvements des populations en déplacement ont été observés.
Notons par ailleurs l’apparition de la pandémie de corona virus / covid-19 qui a été déclarée au pays le 10 mars 2020 et qui a conduit à l’institution de l’Etat d’Urgence sanitaire ; afin de limiter la propagation de la pandémie plusieurs mesures ont été édictées par les autorités parmi lesquelles le confinement qui a conduit à la suspension des plusieurs activités (scolaires et académiques, sportives, religieuses, judiciaires,…) ; par conséquent la population a vécu dans une proximité sans pareil, cela a eu des répercussions négatives sur le vécu quotidien de la population : plusieurs cas des violences dont le viol et les violences sexuelles sur les mineures dans différentes circonstances ; la pauvreté a été aggravée ,…. Mais aussi, la dépravation des mœurs des jeunes filles à la recherche de gain facile se livrant ainsi aux actes d’abus et ’exploitation sexuels et la prostitution, d’autres en sont sorties avec des grossesses. Notons aussi que nombreuses filles déplacées de guerre se sont données au sexe de survie pour répondre à leurs besoins vitaux.
C’est dans ce contexte que les jeunes filles ont été victimes des violences sexuelles ; si pour les unes les bourreaux son connus, pour d’autres ils demeurent inconnus.
3. DESCRIPTION DES CAS IDENTIFIES.
Du mois de janvier au mois d’Aout 2020, la FJDF a identifié 204 cas des viols et autres formes de violences sexuelles sur mineurs dont une victime est de sexe masculin.
A) Situation des victimes
De 0 à 10 ans : 63 cas dont 1 garçon soit 31%
De 11à 13 ans : 42cas soit 20,5%
De 14 à 17 ans : 99 cas soit 48,5%
B) Situation des agresseurs
Connus : 161 dont 14 mineurs, 11 policiers 24 militaires et 112 civils majeurs
Inconnus : 43 dont 9 militaires, 19 éléments des groupes armés et 15 civils.
Pour les victimes de moins de
C) Lieu de provenance
Ces cas sont provenus des différents coins des territoires de Beni et Lubero et la ville de Butembo. Notons la commune rurale de Njiapanda (70 kilomètres à l’ouest de la ville de Butembo) à elle seule a identifié 98 cas suivie de la ville de Butembo avec 81 cas. Le reste de cas sont venus d’autres axes comme Bulambo,Beni, lubero….. De ces cas de Butembo figurent des cas des personnes déplacées internes ayant fui les exactions soit de Beni soit de Lubero territoire.
D) Les principales causes
Durant ces 2 dernières années, les facteurs ayant favorisé les viols et autres violences sexuelles sont multiples parmi lesquels nous citons : la proximité due au confinement, l’état de pauvreté ou l’irresponsabilité des certains parents, l’insécurité dans les zones, la délinquance juvénile….
Pour le para juriste MUMBERE KAYITSUPA Jerlasse de la structure communautaire FJDF Njiapanda qui a enregistré plus de cas « la situation a été alarmante ces 2 dernières années contrairement aux années précédentes : plusieurs causes ont été à la base des violences sexuelles ici dans notre contrée, l’absence prolongée des parents qui délaissent les enfants et campent dans les champs pendant longtemps car sans emploi et par conséquent ne sachant subvenir aux besoins des enfants, la recherchent du gain facile ou plusieurs filles se sont rendues dans les carrés miniers pour pratiquer la prostitution, le manque d’encadrement , la prise abusive des boissons alcoolisées et autres formes des drogues soit par les présumés auteurs soit par les deux ; il ya tant de grossesses des mineures…. »
E) Du constat du viol
Dans tous ces cas, le viol a été différemment constaté ; soit par les cris des victimes, les alertes des témoins, les dénonciations des victimes ou de leurs proches, la présence d’une grossesse, les blessures physiques entrainant la difficulté pour la victime de marcher, les attitudes des victimes et des rapports médicaux.
De ces 204 cas une victime a été agressée par son père biologique, 1 petit garçon de 4 ans a été abusé par sa berceuse (tante maternelle majeure) qui a été aux arrêts et le dossier a été ’instruit au parquet près le tribunal de grande instance mais dont malheureusement la partie civile a désisté. 19 cas sont des victimes agressées par les groupes armés dont 6 sont victime d’esclavage sexuel. 61cas des 99 identifiés entre 14 et 17 ans sont de la délinquance juvénile ; des filles qui se livrent à la prostitution et 29 sont tombées enceintes ; 11 enfants ont été agressées par leur proches pendant la période de confinement.
Parmi les s grandes vulnérabilités qui ont été descellés dans ces cas et ayant été facilité la perpétration du viol comme déjà dit ci haut nous citons : le fait pour les enfants de rester seuls à la maison sans surveillance, la pauvreté des parents, le confinement avec la suspension des activités scolaires et académiques, d’autres sont des déplacés internes et autres.
4. ACTIONS MENEES
La FJDF avec l’appui de ses partenaires dont LA LLIGA, SAFDF, FDHM a mené des actions afin d’apporter une réponse aux jeunes survivants des violences sexuelles.
Ces cas ont été identifiés par la FJDF à partir de différentes voies : si les uns ont été référés par les partenaires, d’autres nous sont directement parvenus. parlant des cas référés, ils l’ont été à partir du centre hospitalier des femmes engagées pour la promotion de la Santé FEPSI qui s’occupe de la prise en charge médicale qui les ont référés à la clinique juridique de la FJDF , du partenaire de l’Association pour la Défense des Droits de la Femme ADDF , une organisation qui s’occupe de la prise en charge psycho sociale des survivantes des différentes violations ; d’autres encore nous ont référés par les instances judiciaires (police, parquet militaire et civil ainsi que d’autres organisations partenaires) sans oublier ceux là qui ont été orientés par les témoins ou bénéficiaires de nos services pour un accompagnement . Dans ce dernier cas, la FJDF après consultation les a référés dans les structures de prise en charge médicale et psychologique.
Aussitôt arrivées à la clinique juridique ou au cabinet de la d’avocat, les victimes ont été accueillies puis identifiées dans un registre ; ensuite elles ont été écoutées par l’avocat ; pour celles qui n’ont pas été capables de s’exprimer, généralement les enfants leurs accompagnateurs (parents, tuteurs ou autres proches se sont exprimés pour faire les récits des faits et donner leur vœu relatif au dossier. Puis elles ont bénéficié des sensibilisations sur plusieurs matières y relatives comme la loi sur les violences sexuelles, sur la procédure pénale surtout en matières des violences sexuelles, les causes et les conséquences des violences sexuelles la loi portant protection de l’enfant et sur la nécessité d’ester en justice ; elles ont en outre bénéficié des conseils juridique. Les victimes qui n’étaient pas accompagnées ont été conseillées de revenir avec un des parents, tuteurs ou autres proches comme l’exigent la loi.
Pour celles qui ont accepté le service dont les parents ou autres accompagnements ont donné leur consentement pour l’accompagnement judiciaire certains outils sont mis à leur disposition. Dans le cas précis 148 ont donné leur consentement ; d’autres se sont contentés des conseils juridiques et des sensibilisations surtout les cas des filles de 14 à 15 ans qui se sont volontairement livrées aux actes sexuels bien que victimes ; leurs parents se sont dits satisfaits des conseils donnés ; celles qui n’ont pas donné leur consentement sont dans la plupart des cas celles dont les bourreaux sont restés inconnus, celles qui ont été agressées par leurs proches et celles portant les grossesses pour plusieurs raisons.
Pour celles qui portent les grossesses, les poursuites engagées aboutiraient à la non prise en charge de la grossesse et feraient naitre des conflits éventuels entre les familles pourtant avec la présence de l’enfant qui aura pour père le présumé auteur que le code de la famille accordé la paternité selon les prescrits de l’article 591 du code de la famille
Signalons que certains accompagnateurs autres que les parents n’ont pas n’ont pas été disponibles à accompagner les enfants.
Les cas dont les parents ou autres accompagnateurs ont donné leur consentement ont été référés au cabinet de l’avocat pour l’accompagnement judiciaire. Ainsi les plaintes ont été rédigées dans 71 dossiers qui ont été accompagnés aux instances judiciaires ; la suspension des activités judiciaires durant le confinement (2020) et le transfert des compétences des matières pénales vers les juridictions militaires avec l’institution de l’état de siège dans la province du Nord-Kivu(2021), ce quia rendu difficile l’accompagnement judiciaire avec la lenteur constatée dans le traitement des dossiers surtout avec l’insuffisance des acteurs et des infrastructures .
Cette mesure a eu des répercussions négatives sur le déroulement et l’aboutissement des dossiers dont 29 au parquet et 15 au tribunal.
Les parents ou autres membres de familles ont accompagné leurs enfants et sont informées des services de prise en charge et ont dénoncé les faits. Dans plusieurs cas accompagnés auprès des instances les concernées soutiennent leur dossier et le suivi est permanent et les présumés auteurs sont en détention. Toutefois d’autres dossiers sont restés pendants au parquet de grande instance en dépit des devoirs demandés et ont tardé à être fixés au tribunal.
Cet état de chose a amené la FJDF à saisir les autorités compétentes : le procureur de la République , le Procureur Général et le ministre provincial de justice et droits humains demandant leur implication dans le respect de l’article 7 bis du code de procédure pénale selon lequel « l’enquête préliminaire en matière des violences sexuelles se fait d’un mois maximum à partir de la saisine de l’autorité judiciaire ; l’instruction et le prononcé du jugement se font dans un délai de 3 mois maximum et enfin l’officier de police judiciaire saisi dans cette matière en avise pendant 24 heures l’officier du ministère public ».
Sans peur d’être contredite, cette disposition est foulée aux pieds par les personnels judiciaires.
Notons enfin la collaboration avec certains personnels judiciaires qui aussi ont référé les cas à la FJDF pour accompagnement et la patience des certains parents dont les dossiers des enfants ont beaucoup duré.
L’accompagnement des jeunes filles victimes des violences sexuelles s’est heurté à plusieurs difficultés et défis. De prime abord, la procédure selon la loi n’est pas respectée tel que démontré dans les lignes précédentes ; les parents des victimes sont découragés par des tractations de chaque jour sans résultat satisfaisant ; ce comportement a quelque fois engendré un climat de manque de confiance entre les parties civiles et les avocats de la FJDF ; d’autres ont désisté abandonnant la procédure et optant pour les arrangements pourtant interdits en matière des violences sexuelles ; Aussi , certains comportements des acteurs judiciaires qui parfois attirent les victimes à accepter les paiements avec pourcentage réservé à l’agent public sous prétexte des frais fonctionnement pour le bureautique pourtant en réalité cette somme perçue est rançonnement au profit des individus pour tracasser les justiciables ; ainsi elles ont été contraintes de payer et de ne plus retourner auprès des avocats après qu’ils aient gagné leur part et sur la partie victime et auprès de celle de l’agresseur. Ce comportement favorise l’impunité.
Une question se pose à cet effet : A qui profite ce comportement qui au lieu de faciliter l’accès de la femme à la justice ne fait que décourager les acteurs engagés dans la lutte et les survivantes ?
En dépit de ces difficultés et défis la FJDF reste sereine et ne baissera pas les bras pour défendre les droits des victimes et ne cessera de dénoncer les irrégularités dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire quant au traitement des dossiers, qui est une violation flagrante de la loi.
Au regard de ce qui précède, la FJDF formule les recommandations suivantes :